Les Assises de la Mobilité ont été lancées par la Ministre des Transport le 19 septembre 2017. Les associations réunies au sein du Réseau Air 74 ont envoyé au Ministère des Transports leur contribution commune et leurs propositions concernant la mobilité en Haute-Savoie. De nombreuses réunions ont eu lieu dans le cadre de ces assises à Paris, ainsi que sur le territoire français et des milliers de contributions écrites ont été faites. Ces Assises de la Mobilité déboucheront sur un projet de Loi sur la Mobilité, qui est annoncé pour février 2018. L'enjeu de ces assises et de la loi qui en découlera est donc aussi majeur qu'historique.
Propositions et solutions
Le Léman Express et les transports en commun
La réalisation du CEVA, maillon manquant entre les réseaux ferrés français et suisse, et le potentiel de développement du TER Léman Express (ou RER genevois), offrent enfin à la Haute-Savoie la possibilité de développer le transport ferroviaire, propre et électrifié pour former la colonne vertébrale du service de transports en commun à mettre en place dans le département. Pour cela, nous demandons :
Le cadencement des trains au départ d’Annemasse-Genève à la 1/2 heure dans chaque sens aux heures de pointe, sur les branches de Saint Gervais, Annecy et Evian.
La mise en place de transports interurbains en correspondance avec les gares, pour desservir les territoires non traversés par la voie ferrée.
Le développement des transports urbains, pour une desserte plus fine du territoire, particulièrement dans les zones « blanches » encore trop nombreuses dans le département, dont la plaine du Mont-Blanc.
Une information centralisée pour les voyageurs, qui comprenne toutes les solutions de mobilité, de bout en bout : horaires des trains et de toutes les offres de bus, ainsi que les solutions pour être assuré de pouvoir toujours terminer son trajet (auto-stop sécurisé, transport à la demande, taxis…). Des applications comme RometoRio sont capables de donner des informations de transports, de localité à localité, dans le monde entier. D’autres, comme Citymapper, offrent une information précise sur les déplacements à l’intérieur d’un bassin urbain, tous modes confondus (vélo en libre circulation, train, tram, bus, métro, autopartage), de n’importe quel point A à n’importe quel point B. Il devrait être possible de mettre en place une information de ce type pour notre département et régions limitrophes.
Une billettique unique ou pass pour les TER et les bus interurbains et à terme les autres offres de mobilité (Bus à Haut Niveau de Service, bus urbains, location vélos, stationnement…).
Favoriser une gouvernance unique ou intégrée et la création d’une Centrale de la Mobilité ou une structure facilitatrice des déplacements, qui aura la charge d’organiser les différents services de transports et d’informer sur les horaires, l’achat de tickets ou d’abonnement et de promouvoir la mobilité alternative à la voiture en Haute-Savoie.
Le vélo comme mode de déplacement
Au-delà des discours favorables à ce mode de déplacement et de l’annonce, sans cesse répétée, mais toujours pas réalisée de voie verte entre Genève et Vallorcine, les aménagements cyclables sont loin d’être à la hauteur des besoins et envies de déplacement au quotidien sur l’ensemble du département. Afin de développer ce mode vertueux pour tous (pour la santé, le pouvoir d’achat, la qualité de l’air et les finances publiques), il convient de :
Établir un schéma de la mobilité active dans tout le département. La voie verte Genève-Vallorcine pourra être la colonne vertébrale des modes de déplacements actifs, mais devra être complétée par un réseau cyclable interurbain et local, afin de répondre aux besoins de déplacements quotidiens. Une attention particulière sera à apporter à la desserte des gares et arrêts de bus.
Activer une structure de veille afin d’anticiper les nouvelles réalisations et leurs possibles incohérences avec l’existant. La centrale de mobilité pourrait avoir ce rôle.
Exiger que des voies cyclables soient réalisées, lors de toutes les rénovations de voiries et de routes, en agglomération comme hors agglomération.
Développer des offres de service mobilité douce en Haute-Savoie autour de l’infrastructure (location et entretien de vélo, location de vélos électriques, réparation, vente, recyclage du vélo, animation, apprentissage, communication).
Offrir une prime à l’achat d’un vélo à assistance électrique réellement incitative.
Généraliser l’Indemnité Kilométrique Vélo à toutes les entreprises et augmenter le plafond trop restrictif de 200 € par an.
Communiquer sur les bienfaits sanitaires de cette forme de déplacement.
Il est à noter que le coût de réalisation d’aménagements cyclables au kilomètre est en moyenne 20 fois inférieur à celui des infrastructures routières. De plus l’aménagement d’un réseau cyclable complétera l’offre du Léman Express et renforcera l’attractivité touristique, toute saison, du département.
Le covoiturage
Le nombre de sites et applis dédiés au covoiturage est trop important avec des échelles d’utilisation variables. Aucun de ces sites n’est réellement adapté à tous les types d’usages quotidiens sur notre territoire. L’offre existante, trop diluée, doit être mutualisée et développée. Une réflexion doit être engagée dans ce sens, afin de permettre d’utiliser le potentiel offert par les nombreuses voitures qui circulent « à vide » dans le département.
L’auto-stop sécurisé : RezoPouce
Le système d’auto-stop participatif RezoPouce3 se développe en France. Il s’agit d’une solution de mobilité particulièrement bon marché et rapide à mettre en place et qui répond à la problématique des territoires semi-ruraux. Ce service, très simple à mettre en œuvre par les collectivités, complétera l’offre en transports en commun, en particulier pour les territoires moins denses et pour les femmes, souvent moins motorisées et moins enclines à faire de l’auto-stop que les hommes. RezoPouce3 va être mis en place dans la vallée du Giffre, début 2018. Il serait bénéfique de l’étendre à l’ensemble du département.
Bio GNV : d’une pierre deux coups
Méthaniser les déchets organiques provenant de l’homme (stations d’épuration, déchets alimentaires), de l’animal (lisiers, sous-produits de la transformation animale), de l’agriculture, de la transformation du bois, sont autant de façons de valoriser une ressource locale. Le gaz méthane renouvelable ainsi produit, dit biogaz, pourra fournir l’énergie à des véhicules adaptés au Gaz Naturel Véhicule (bus, poids lourds, véhicules utilitaires ou légers).
Ne pas aggraver la situation avec des projets routiers
La fluidification de la circulation, sans cesse recherchée par la création d’aménagements routiers nouveaux, pousse en réalité les automobilistes à aller plus loin, plus souvent. Ainsi, la saturation réapparaît rapidement et de nouvelles voies sont créées et ainsi de suite. Cette fuite en avant doit être freinée et les investissements doivent aujourd’hui être dirigés prioritairement vers les transports en commun, les modes de déplacements actifs et la mise en cohérence d’une offre multimodale. Les nombreux projets routiers en cours ou à venir augmenteront encore la circulation routière et les émissions polluantes dans un département engorgé et pollué, parmi lesquels :
L’élargissement de l’A41 à Annecy
Le contournement de Pringy
Le tunnel sous le Semnoz
Le doublement du Contournement d’Annecy
L’autoroute Machilly-Thonon
Le contournement de Marignier dans la vallée de l’Arve
Nous proposons en particulier d’inscrire dans la loi, un article interdisant aux collectivités territoriales tout versement de subvention d’équilibre à un concessionnaire autoroutier tant que preuve n’a pas été faite que tout a réellement été mis en place au préalable pour les solutions de transport collectif. De même, la loi devrait inclure l’interdiction de financer des voies rapides, si une route existe déjà et si tout n’a pas déjà été tenté au niveau des transports collectifs. La création de nouvelles routes doit être l’ultime solution.
Donner réellement la priorité à l’existant
Avant de construire toute nouvelle infrastructure, la priorité doit être donnée à la rénovation, l'entretien et la mise aux normes de l’existant. Entretenir une ligne déjà construite n’engendre pas de nouvelles pertes de foncier agricole ou naturel et est moins coûteux pour les finances publiques, si contraintes aujourd’hui. Des aménagements de bon sens pourraient également permettre une réduction des besoins de mobilité, en particulier aux heures de pointe : aménagement des horaires de travail, création de tiers-lieux de travail en France pour les frontaliers, développement du télétravail, etc. Il en est de même pour l’offre commerciale, qui doit valoriser et utiliser l’existant au lieu de créer sans cesse de nouvelles zones commerciales, consommatrices d’espaces naturels et engendrant des déplacements supplémentaires en voiture. Une partie de la manne financière des « Fonds Frontaliers », reversée par la Suisse aux collectivités locales de Haute-Savoie, doit aujourd’hui être consacrée au développement de l’existant (réfection des routes, ajout de pistes cyclables, modernisation du réseau ferroviaire existant, etc.).
Demande de pause sur la construction de nouvelles infrastructures
Le gouvernement a annoncé une « pause dans les projets d'infrastructures de transports » et un Conseil d'Orientation des Infrastructures, a été mis en place. À l’image du travail en cours de réalisation au niveau national, la Haute-Savoie doit cesser la construction d’infrastructures, afin d’évaluer leur pertinence et les prioriser. Le Conseil d'Orientation des Infrastructures en Haute-Savoie (COI 74) devra être indépendant des porteurs des projets à évaluer. Il sera chargé d’étudier tous les projets en cours et à venir, quel que soit le porteur de projet (État, Département, Collectivités). Sa mission sera d'évaluer les besoins de mobilité du département, les solutions alternatives à la voiture individuelle, l’impact de chaque projet sur les finances publiques, sur la qualité de l’air, la santé publique et le climat. Il devra donner un avis sur la pertinence ou la non-pertinence des projets d’infrastructures.
Valoriser l’économie locale et les circuits courts
Favoriser les circuits courts est une manière de résoudre une partie des problèmes de mobilité dans le département. Le réseau éco-conso74, mis en place par une association membre du Réseau Air 74, vise à favoriser la consommation locale en mettant en relation les structures du département qui proposent des biens et services à caractère développement durable et les consommateurs qui les cherchent. 135 structures locales sont déjà inscrites, or l’initiative manque d’appui financier pour se développer aujourd’hui et faire connaître ces producteurs locaux, en circuit de distribution court, à l’ensemble des habitants.
Impliquer les citoyens
Des associations et citoyens pourraient être associés à la réflexion pour l’élaboration d’une offre de mobilité multimodale en Haute-Savoie, en particulier concernant le vélo, le covoiturage, l’auto-stop sécurisé et les propositions pour réduire les besoins de mobilité. Le tissu associatif local pourrait aussi être sollicité pour participer à l’indispensable phase de communication autour des solutions mises en place.
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